Ligne directrice sur la gestion de l’exposition au risque de tremblement de terre
Janvier 2013
IntroductionLa présente ligne directrice remplace la Ligne directrice sur la saine gestion et mesure des engagements relatifs aux tremblements de terre publiée en octobre 1998
Les pertes catastrophiques pouvant être causées par les séismes présentent un risque important au Canada, particulièrement au Québec et en Colombie-Britannique. Ce risque, tout comme les autres risques pouvant affecter de façon importante la bonne marche des opérations d’une entreprise, devrait être considéré dans le cadre de la gestion intégrée des risquesEnsemble de pratiques et de processus s’appuyant sur une culture de risques et favorisant l’utilisation de techniques permettant d’améliorer le processus décisionnel et le rendement grâce à une vision holistique de l’ensemble des risques de l’institution financière. AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS. Ligne directrice sur la gestion intégrée des risques. de toute institution financière. Il devrait être traité comme un élément intrinsèque de la gestion du risque de catastrophe et être pris en compte dans le cadre du plan de continuité des activitésPlan d’action écrit qui définit les procédures et détermine les ressources nécessaires à la continuité et à la reprise des activités d’une institution. AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS. Ligne directrice sur la gestion de la continuité des activités..
Au-delà de ces considérations générales, la présente ligne directriceDocument décrivant les mesures qui peuvent être prises par les institutions financières pour satisfaire à l’obligation légale de suivre des pratiques de gestion saine et prudente et à celle de suive de saines pratiques commerciales. énonce spécifiquement les attentes de l’Autorité envers les assureurs de dommagesAssureur autorisé à exercer dans une catégorie d’assurance qui garantit l’assuré contre les conséquences d’un évènement pouvant porter atteinte à son patrimoine. qui émettent des polices d’assurance couvrant le risque de tremblement de terre.
L’assurance contre les tremblements de terre vise principalement à couvrir les dommages causés directement par les secousses sismiques initiales, ainsi que les dommages consécutifs à ces secousses (tsunami, raz-de-marée, incendie, etc.). Cette assurance est généralement optionnelle et prend habituellement la forme d’un avenant rattaché à la police couvrant les principaux bâtiments de l’assuré. En plus de couvrir les dommages causés directement aux biens, aux équipements et au contenu, cette protection peut inclure d’autres garanties comme les frais de subsistance additionnels et l’interruption des affaires.
Par ailleurs, malgré ce qui précède, les polices d’assurance habitation qui sont souscrites au Québec couvrent généralement l’incendie consécutif au tremblement de terre, soit par avenant ou à même la police principale. En assurance automobile, le tremblement de terre est couvert à l’intérieur de garanties optionnelles de la policeChapitre B, Protections 3 et 4 de la police F.P.Q. 1, telles qu’approuvées par l’Autorité. Puisque d’autres produits peuvent également être exposés au risque de tremblement de terre, l’Autorité s’attend à ce que les assureurs vérifient si l’une ou l’autre de leurs polices offre directement ou indirectement une protection contre ce risque et, le cas échéant, en tiennent compte dans l’évaluation globale de leur exposition.
En fonction de ce qui précède, l’Autorité s’attend à ce que les assureurs qui s’exposent à ce risque le mesurent et le contrôlent efficacement par une gestion saine et prudente de leurs engagementsDans la ligne directrice, les termes « engagements » et « expositions » sont utilisés pour désigner les montants d’assurance exposés au risque de tremblement de terre., en fonction de leur appétit pour le risqueNiveau global et type de risque qu’une institution financière est prête à prendre pour réaliser son plan d’affaire et rencontrer ses objectifs stratégiques. et de leurs niveaux de tolérance aux risquesLes notions d’appétit pour le risque et de tolérance aux risques sont amplement décrites dans la Ligne directrice sur la gestion intégrée des risques..
La complexité associée à la gestion de l’exposition au risque de tremblement de terre, combinée à la gravité des pertes potentielles et à la difficulté d’en atténuer les effets, constitue un risque pouvant affecter significativement la situation financière d’un assureur et, compte tenu de la visibilité publique de tels événements, sa réputation. L’Autorité s’attend donc à ce que les assureurs qui souscrivent des polices d’assurance les exposant à ce risque aient des politiquesEnsemble de principes généraux adoptés par une institution financière pour l'exercice de ses activités en lien avec un sujet donné. et des procéduresUne succession imposée de tâches à réaliser. Elle répond en général à des impératifs qui ne sont pas discutables par la personne qui l’applique. suffisamment élaborées pour s’assurer d’une prise en charge et d’une gestion efficace dans l’éventualité d’un séisme. En particulier, afin de refléter l’évolution des pratiques de l’industrie concernant la gestion de ce risque, la présente ligne directrice prend dorénavant en considération l’utilisation des modèles et la qualité des données.
En plus d’énoncer les attentes de l’Autorité quant au développement de pratiques de gestion saine et prudentePratiques de gestion d’une institution financière visant à assurer une saine gouvernance et le respect des lois régissant ses activités, en prévoyant notamment le maintien d’actifs permettant l’exécution de ses engagements au fur et à mesure de leur exigibilité et de capitaux permettant d’assurer sa pérennité. pour faire face à ce risque, la présente ligne directrice établit les paramètres communs et les autres facteurs à considérer afin de mesurer les engagements relatifs aux tremblements de terre et estimer le sinistre maximum probableLe seuil en dollars au-dessus duquel des pertes causées par un évènement important est peu probable. (SMP). Cette estimation, utilisée dans le calcul du capital requisAUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS. Ligne directrice sur les exigences en matière de suffisance du capital, assurance de dommages., est essentielle pour évaluer la capacité de l’assureur à traiter et à payer les réclamations ainsi que son état de préparation financière lié à cette éventualité. À cet égard, l’Autorité s’attend à ce que les assureurs lui transmettent chaque année des renseignements sur leurs engagements relatifs aux tremblements de terre.
En vertu de son habilitation prévue à la Loi sur les assurancesLoi sur les assureurs, RLRQ, c. A-32.2, article 463., l’Autorité donne la présente ligne directrice aux assureurs signifiant ainsi explicitement ses attentes en matière de gestion et mesure des risques liés aux tremblements de terre.
1. Gestion de l’exposition au risque de tremblement de terre
L’Autorité s’attend à ce que les assureurs mettent en place des politiques et des procédures pour une gestion saine et prudente de l’exposition au risque de tremblement de terre, soutenue par une gouvernance efficace de la part du conseil d’administrationGroupe de personnes élues ou nommées qui est ultimement responsable de la gouvernance et de la supervision d’une institution financière. et une mise en œuvre adéquate par la haute directionGroupe de personnes chargés de la gestion quotidienne d’une institution financière selon les stratégies et les politiques établies par le conseil d’administration. .
L’Autorité considère que le conseil d’administration et la haute direction demeurent ultimement responsables des décisions prises et des actions engagées en regard de la gestion intégrée des risquesEnsemble de pratiques et de processus s’appuyant sur une culture de risques et favorisant l’utilisation de techniques permettant d’améliorer le processus décisionnel et le rendement grâce à une vision holistique de l’ensemble des risques de l’institution financière. et, en particulier, de la gestion des risques liés aux tremblements de terre. Ils devraient ainsi s’assurer d’une gouvernance efficace et d’une mise en œuvre adéquate. Cet aspect est d’autant plus important compte tenu de la nature hautement imprévisible et potentiellement catastrophique des pertes que les tremblements de terre peuvent engendrer pour l’assureur.
En considérant le partage des rôles et responsabilités qui leur sont respectivement dévolusAUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS. Ligne directrice sur la gouvernance., et en tenant compte de la nature, de la taille et de la complexité de ses activités, la haute direction, sous la supervision du conseil d’administration, devrait mettre en place des politiques et des procédures pour une gestion saine et prudente de l’exposition au risque de tremblement de terre.
1.1 Politiques et procédures
Les politiques et procédures devraient documenter les principaux éléments de l’approche adoptée par l’assureur pour la gestion de son exposition au risque de tremblement de terre. Elles devraient notamment considérer :
l’appétit pour le risqueNiveau global et type de risque qu’une institution financière est prête à prendre pour réaliser son plan d’affaire et rencontrer ses objectifs stratégiques. et les niveaux de tolérance aux risques relatifs à l’assurance contre les tremblements de terre;
les pratiques relatives à la gestion des données;
l’agrégation des données et la production des rapports nécessaires à l’établissement des engagements relatifs aux tremblements de terre;
la compréhension, la sélection et l’utilisation des modèles de tremblement de terre utilisés, y compris les facteurs à considérer relativement aux limites des modèles, aux éléments d’incertitude et aux catégories d’assurance non modélisées;
l’identification et l’estimation des facteurs pertinents au calcul du SMP;
la nature et l’adéquation des ressources financières disponibles en lien avec le SMP;
l’existence de plans de continuité des activitésPlan d’action écrit qui définit les procédures et détermine les ressources nécessaires à la continuité et à la reprise des activités d’une institution. pour assurer l’accès à des ressources suffisantes pour le traitement des réclamations et la poursuite efficiente des opérations;
la prise en compte de la hausse des coûts des sinistres et des dépenses de fonctionnement provoquée par l’urgence et la rareté des ressources conséquemment à une catastrophe.
1.2 Rôle du conseil d’administration et de la haute direction
En plus de s’assurer d’avoir des politiques et procédures visant les tremblements de terre, le conseil d’administrationGroupe de personnes élues ou nommées qui est ultimement responsable de la gouvernance et de la supervision d’une institution financière. devrait veiller à ce qu’elles soient mises en œuvre efficacement. L’Autorité s’attend à ce que le conseil d’administration s’assure annuellement de leur pertinence dans le cadre plus global de la gestion intégrée des risquesEnsemble de pratiques et de processus s’appuyant sur une culture de risques et favorisant l’utilisation de techniques permettant d’améliorer le processus décisionnel et le rendement grâce à une vision holistique de l’ensemble des risques de l’institution financière. de l’assureur.
La haute direction est responsable de l’implantation et du bon fonctionnement des politiques et des procédures à l’échelle de l’organisation. Comme la gestion de l’exposition aux risques devrait se faire sur une base continue, une gestion efficace des engagements liés aux tremblements de terre peut nécessiter des rapports internes plus fréquemment qu’une fois par an. De plus, cette gestion devrait se faire pour l’ensemble de l’institution financière et prendre en considération les risques connexes, comme le risque opérationnel et les risques d’assurance, de réassuranceOpération par laquelle un assureur transfère une partie des risques d’assurance souscrits en s’assurant à son tour auprès d’un ou de plusieurs autres assureurs, appelés réassureurs. et de placement.
Par ailleurs, le conseil d’administration et la haute direction devraient veiller à l’existence de mécanismes de contrôle interneL’ensemble des mécanismes de contrôle mis en place au sein de l’institution financière pour donner aux instances décisionnelles une assurance raisonnable que les objectifs d’efficacité et d’efficience des opérations, de protection des actifs, de fiabilité des informations et de conformité sont atteints. appropriés afin de s’assurer, sur une base continue, de l’efficacité et de la conformité des politiques et procédures relatives aux tremblements de terre. Compte tenu de la nature particulière de l’exposition à ce risque (faible fréquence et impact potentiel élevé), ces mécanismes de contrôle devraient tenir compte du cadre de rémunération des personnes impliquées dans la prise de ce risque.
Enfin, bien que l’on s’attende à ce que tous les mécanismes de contrôle en place contribuent à cet effort d’efficacité, l’Autorité considère que le rôle de la fonction actuarielle est particulièrement important. Elle devrait notamment contribuer au contrôle des modèles d’évaluation de l’exposition, à l’adéquation des programmes de réassurance visant à atténuer ces risques et à l’établissement de la tarification de l’assurance contre les tremblements de terre.
2. Données sur l’exposition au risque de tremblement de terre
L’Autorité s’attend à ce que les données sur l’exposition au risque de tremblement de terre soient correctement colligées, saisies et périodiquement validées afin de s’assurer de leur cohérence, exactitude et intégralité.
Les données nécessaires pour alimenter les modèles de tremblement de terre vont au-delà des données traditionnellement utilisées pour la tarification des polices d’assurance. Par conséquent, les efforts qu’un assureur peut déployer pour enrichir ses bases de données et en améliorer la cohérence, l’exactitude et l’intégralité peuvent grandement contribuer à réduire l’incertitude inhérente à la mesure de son exposition au risque de tremblement de terre. L’accès à des données de qualité sur l’exposition au risque de tremblement de terre facilite la gestion de ce risque, particulièrement en ce qui a trait à sa tarification, à son transfert et à sa surveillance en regard de limites, ainsi que pour la modélisation des catastrophes.
2.1 Intégrité des données
Les politiques et procédures de l’assureur devraient refléter un engagement ferme de la haute direction afin d’obtenir des données cohérentes, exactes et complètes pour l’estimation de l’exposition de l’assureur au risque de tremblement de terre. La direction doit comprendre et privilégier la qualité des données et leur collecte en temps opportun. La qualité des données devrait être considérée dans le contexte des hypothèses et des exigences des modèles utilisés. Au besoin, de nouveaux processus devraient être mis en place pour améliorer la qualité des données disponibles.
La responsabilité de la qualité des données devrait être clairement établie, tant au sein de l’assureur qu’à l’extérieur de celui-ci. Par exemple, il arrive fréquemment que des intermédiaires, tels que les courtiers et agents, soient responsables de la collecte des données des assurés. Dans ces cas, l’assureur devrait s’assurer que les données recueillies répondent aux critères de qualité de l’entreprise.
La qualité d’un ensemble de données étant souvent tributaire d’un compromis entre l’exhaustivité et la précision, l’assureur devrait implanter un processus pour contrôler la qualité de la collecte et de la saisie des données, comprenant l’adoption de critères pour mesurer leur degré d’intégralité et d’exactitude. Ce processus pourrait prévoir :
une évaluation de la qualité des données au moment de la souscription;
l’assainissement des sources de données inadéquates;
le développement et l’implantation de contrôles empêchant ou réduisant la saisie de données erronées; et
des investissements dans la technologie pour améliorer la qualité des données.
2.2 Vérification des données
L’Autorité s’attend à ce que les assureurs aient des processus pour vérifier que leurs bases de données reflètent correctement toutes les données qu’ils reçoivent. Bien que la qualité des données sur chacun des risques considéré individuellement soit souvent le principal déterminant de la qualité de l’ensemble des données, l’analyse et l’évaluation agrégées de la qualité globale des données d’un portefeuille ou d’un groupe de risques peuvent s’avérer l’approche la plus appropriée lorsqu’un assureur a un accès limité au système d’information sous-jacent au traitement des polices d’assurance. Cela se produit particulièrement avec des portefeuilles de réassurance acceptée, auquel cas les réassureurs devraient avoir des processus pour évaluer la qualité des données soumises par leurs cédantes. Une situation similaire peut également se produire lors de transferts en bloc de polices d’assurance d’un assureur à un autre.
2.3 Limite des données
La direction doit comprendre également les limites des données et l’ampleur des erreurs pouvant les entacher. Bien que des données complètes et totalement explicatives soient l’idéal, cet objectif sera difficile, sinon impossible à atteindre en pratique. Il est donc important que la direction comprenne aussi les impacts possibles de données limitées sur les résultats projetés par le modèle et, en conséquence, fasse les ajustements prudents aux estimations générées par ce dernier.
Les données devraient faire l’objet d’un examen périodique, au moins une fois par année, par des personnes indépendantes de celles qui sont responsables de leur collecte et de leur qualité. Même si l’assureur peut confier cette revue indépendante à son courtier de réassurance, cet exercice devrait s’étendre au-delà du contrôle de qualité habituellement effectué avant l’envoi des données aux réassureurs de manière à inclure un rapport spécifique soulignant que cet examen est effectué pour aider l’assureur à se conformer à la présente ligne directrice. Bien que moins fréquentes, les vérifications externes concernant la gestion, la qualité et les rapports de données de l’assureur peuvent apporter une valeur ajoutée en établissant des repères indépendants.
Ces vérifications devraient porter non seulement sur l’intégralité et l’exactitude des données sur l’exposition au risque de tremblement de terre, mais également sur les processus en place et les mesures prises pour atteindre le niveau de qualité souhaité. À cet égard, ces vérifications devraient être documentées et approuvées par la personne responsable. Les tests, dont l’objectif devrait être de réduire au minimum les erreurs dans les données ainsi que dans leur saisie et leur transcription, pourraient consister à :
agréger les données selon l’occupation, le type de construction et la situation géographique des bâtiments assurés et passer en revue certaines statistiques comme, par exemple, les pourcentages de données ayant des attributs déjà connus, l’ampleur des risques codés en bloc et les valeurs les plus fréquentes;
comparer l’évolution du niveau d’exposition au risque de tremblement de terre d’année en année;
utiliser les données sur les sinistres antérieurs afin de déceler de possibles problèmes de codage et de comportement du portefeuille par rapport à la construction et aux hypothèses du modèle;
effectuer des tests de sensibilité des données dans le cadre de l’analyse régulière des risques du portefeuille et en tenir compte dans la prise de décision.
L’Autorité considère que les données sur l’exposition du portefeuille et les résultats de la modélisation devraient être mis à jour au moment opportun.
D’une manière générale, l’Autorité s’attend à ce que la direction ait une bonne compréhension des données nécessaires au modèle utilisé et s’assure d’avoir un plan pour résoudre les problèmes qui pourraient avoir été identifiés.
3. Utilisation des modèles de tremblement de terre
L’Autorité s’attend à ce que les assureurs aient une solide compréhension des hypothèses et méthodes sous-jacentes aux modèles de tremblement de terre et qu’ils fassent preuve d’une grande prudence dans l’utilisation des résultats produits afin de refléter le degré élevé d’incertitude caractérisant les estimations.
L’utilisation prudente de modèles de catastrophe pour mesurer l’exposition au risque de tremblement de terre est un aspect important pour la saine gestion de ce risque dû au degré élevé d’incertitude associée à la modélisation des catastrophes. Il est donc primordial que tous les utilisateurs des extrants de ces modèles en soient conscients et considèrent le recours à d’autres techniques de gestion des risques, tels que l’instauration de limites, le transfert et l’évitementPar exemple, en utilisant des techniques pour limiter la concentration par secteur géographique..Dans ce contexte, les renvois à ces solutions importent tout autant que les consignes relatives à l’utilisation de modèles de catastrophe.
3.1 Utilisation des modèles
L’Autorité s’attend à ce que les assureurs utilisent des modèles ayant des bases solides pour gérer leur exposition au risque de tremblement de terre. Considérant que le SMP, établi en fonction de cette exposition, est déterminé à partir d’un ensemble complexe de variables et d’hypothèses connexes, les modèles de catastrophe sont essentiels pour une approche systématique visant à l’estimer.
Cependant, bien que les techniques de modélisation ne cessent de se raffiner et que de nouvelles informations et données continuent de les alimenter, les modèles présentent encore d’importantes limitations et un haut degré d’incertitude inhérente. Cette incertitude se traduit et est démontrée par des différences importantes observées lorsque l’on compare les résultats d’un modèle avec des événements réels, ainsi qu’avec le large éventail de résultats d’un modèle à l’autre.
Ceci étant dit, lorsque les utilisateurs tiennent adéquatement compte de ces limitations et incertitudes, les modèles constituent une base valable pour l’estimation de leur SMP et l’établissement de leurs besoins de réassurance. De plus, les modèles contribuent à renforcer leur valeur en tant qu’outil de gestion de risques lorsqu’ils sont utilisés pour suivre périodiquement l’accumulation des engagements relatifs à l’exposition au risque de tremblement de terre et pour appuyer les décisions de souscription.
3.2 Saines pratiques d’utilisation
Les modèles relatifs aux tremblements de terre peuvent être obtenus de plusieurs sources. Certains fournisseurs commerciaux les rendent disponibles sous licence. Ils peuvent être utilisés et maintenus chez l’assureur ou gérés en son nom par une tierce partie, notamment un courtier de réassurance. Certains assureurs ont aussi développé leur propre modèle. Quoi qu’il en soit, dans le but de s’assurer d’une utilisation appropriée des modèles, l’Autorité s’attend à ce que les assureurs :
documentent adéquatement leur utilisation. Cette documentation devrait inclure des explications visant à préciser comment l’utilisation des modèles, incluant l’estimation de leur SMP, s’inscrit dans leur processus de gestion du risque de tremblement de terre et, le cas échéant, la façon dont ces modèles sont utilisés pour suivre l’accumulation de ces risques et influencer les décisions de souscription;
comprennent les différents modèles disponibles et la raison pour laquelle le modèle qu’ils utilisent est approprié pour leur portefeuille d’assurance;
aient des employés suffisamment qualifiés pour opérer leur modèle sur une base régulière lorsque celui-ci est utilisé à l’interne;
aient une solide compréhension des principales hypothèses, méthodes et limites qui sous-tendent le modèle utilisé, notamment en ce qui a trait :
aux impacts de chacun des paramètres sur les estimations du SMP. À cet égard, les assureurs devraient être en mesure de justifier, le cas échéant, les modifications ou altérations des hypothèses établies et recommandées par défaut dans le modèle;
à la capacité du modèle de tenir compte de facteurs connexes, tels que les poussées inflationnistes à la suite d’une catastrophe, les incendies consécutifs à un tremblement de terre et l’interruption des affaires;
à l’influence que peuvent avoir certains changements dans les caractéristiques d’un portefeuille d’assurance sur la variabilité du SMP;
à l’impact des sinistres modélisés par rapport à ceux qui ne le sont pas dans le modèle;
comprennent l’incertitude inhérente aux modèles et la façon dont cet élément est pris en compte dans la détermination de la suffisance du capital et des besoins de réassurance;
s’assurent que les données et leur niveau de granularité soient appropriés au modèle utilisé;
soient en mesure, lorsqu’ils utilisent plus d’un modèle produisant des résultats sensiblement différents, d’expliquer les principales raisons de ces différences et les efforts qu’ils ont déployés pour apporter les ajustements nécessaires, le cas échéant, aux paramètres du modèle sélectionné comme base pour l’estimation du SMP.
3.3 Version des modèles
Bien que le recours à un modèle soit important, il ne s’agit toutefois que de l’une des composantes du cadre de gestionEnsemble des politiques, procédures et mécanismes de contrôle visant à assurer la gestion des principales fonctions d’une organisation. de l’exposition de l’assureur au risque de tremblement de terre. Les modèles contiennent toujours une certaine dose d’incertitude malgré leur raffinement constant au fil des années. Pour mieux évaluer cette incertitude inhérente, les assureurs pourraient considérer l’utilisation de plus d’un modèle.
Par ailleurs, les assureurs qui utilisent des modèles obtenus sur le marché devraient s’assurer d’obtenir les mises à jour disponibles et de les implanter en temps opportun. Plus précisément, l’Autorité s’attend à ce que les assureurs implantent toute mise à jour importante d’un modèle qu’ils utilisent à l’intérieur d’un an de sa sortie et, dans le cas contraire, fournissent les raisons expliquant pourquoi ils ne l’ont pas fait. Dans tous les cas, les assureurs devraient indiquer dans leur documentation le modèle et la version utilisés.
Lorsqu’un assureur utilise le logiciel d’un fournisseur externe pour déterminer son SMP, il est important qu’il comprenne bien le modèle qui le sous-tend, sa finalité, ses fonctionnalités et ses limites. La documentation du modèle devrait être suffisamment détaillée pour que l’utilisateur puisse en comprendre le fondement mathématique, la méthodologie, les paramètres et les limitations, ainsi que les ajustements et raffinements apportés subséquemment par l’assureur.
Dans le cas où un modèle développé à l’interne est utilisé, l’assureur devrait le mettre à jour sur une base régulière et le tester périodiquement afin de s’assurer de sa fonctionnalité et de la raisonnabilité des résultats par rapport à ceux auxquels il arriverait avec d’autres modèles reconnus et disponibles sur le marché.
3.4 Validation des données
La validation des modèles fournit de précieuses informations quant à leur performance.
Un élément important de ce processus consiste à s’assurer que le modèle considère adéquatement les risques en se basant sur des événements réels. Cet exercice devrait démontrer que, sur une période historique suffisamment longue, l’établissement du capital tel que mesuré par le modèle est compatible avec les pertes réelles subies.
Dans la mesure où les données historiques nécessaires à cet exercice de validation sont insuffisantes, une solution alternative devrait être trouvée et développée pour effectuer une validation prudente et acceptable du modèle. Par exemple, l’assureur pourrait comparer les quelques grands tremblements de terre qui se sont produits par le passé avec les sinistres qui seraient générés par des événements similaires dans son modèle, et évaluer les éventuelles divergences. Compte tenu du nombre limité de tremblements de terre au Québec et plus largement au Canada, il pourrait aussi être utile de tirer parti des leçons apprises des séismes survenus dans d’autres régions du globe.
L’assureur pourrait également comparer le coût des sinistres modélisés en queue de distribution avec le prix d’une protection de réassurance équivalente sur le marché. Ce test ne constitue pas une validation du modèle en soi, mais pourrait servir de point de départ pour une investigation supplémentaire. Un des résultats de cet exercice pourrait révéler, par exemple, que le risque est considéré d’une façon plus conservatrice sur le marché que le modèle le montre.
Les ajustements et raffinements des paramètres du modèle, y compris la prise en compte des risques et des coûts non modélisés, devraient être robustes et se refléter dans la validation du modèle.
Enfin, le processus de validation utilisé devrait être bien documenté et clairement indiquer les limites du modèle et des données. Le cas échéant, les différences matérielles et lacunes importantes devraient être indiquées et faire l’objet de discussions sur des moyens de les atténuer.
4. Estimation des SMP
L’Autorité s’attend à ce que l’estimation des SMP reflète adéquatement le coût total ultime des sinistres de l’assureur et tienne compte de la qualité des données, des risques non modélisés, de l’incertitude inhérente au modèle et de l’exposition dans de multiples régions.
Bien que les modèles soient un outil essentiel pour aider les assureurs dans la gestion de leur exposition au risque de tremblement de terre, ils sont limités dans leur capacité, créant ainsi un niveau important d’incertitude dans les résultats. Par conséquent, même si les assureurs sont tenus d’établir des estimations de leur SMP en conformité avec ce principe, ils sont également encouragés à envisager d’autres techniques visant à limiter leur exposition aux tremblements de terre, notamment par des limites de concentration par secteur géographique et des restrictions au niveau de l’occupation et le type de construction des bâtiments.
4.1 Qualité des données
La direction doit comprendre l’impact que peuvent avoir des données limitées sur les résultats projetés par un modèle et par conséquent, faire des ajustements prudents aux estimations produites. Alors que des ajustements à la hausse du SMP peuvent s’avérer nécessaires afin de compenser certaines lacunes au niveau des données, il est entendu qu’une hausse importante du SMP pour pallier cette déficience ne devrait pas être un substitut à la saisie et au traitement approprié des données de qualité à la source.
4.2 Engagements et risques non modélisés
De nombreux risques sont difficiles, et dans certains cas, impossibles à considérer de manière adéquate dans les modèles de tremblement de terre. Par conséquent, l’Autorité s’attend à ce que les assureurs dressent un inventaire des engagements et des risques applicables à leurs activités et identifient ceux qui ne sont pas pris en compte dans le modèle qu’ils utilisent. Ces engagements et risques non modélisés peuvent être attribuables notamment :
à la croissance des engagements entre la date où les données ont été saisies et celle correspondant à la fin de la période pour laquelle l’évaluation est faite;
à l’interruption des affaires;
à d’autres catégories d’assurance, comme l’automobile et le maritime;
aux frais de règlementExécution définitive d’une transaction, qui comporte la livraison des titres ou instruments financiers par le vendeur à l’acquéreur et la remise d’une somme d’argent par l’acquéreur au vendeur. des réclamations;
aux montants d’assurance insuffisants;
aux coûts de remplacement garantis;
à l’accroissement du risque de secousses sismiques subséquentes à un tremblement de terre majeur;
aux garanties globales et extensions de garanties, comme l’enlèvement des débris par exemple.
Considérés individuellement, ces engagements et facteurs de risques peuvent être relativement modestes, mais représenter des montants significatifs lorsqu’on les cumule. Par conséquent, ils doivent être considérés et pris en compte dans le calcul du SMP de l’assureur.
4.3 Caractère incertain des modèles
Les modèles calculent le SMP à partir d’une conversion de l’estimation des mouvements de sol à un emplacement donné en des niveaux de dommages, induisant ainsi une incertitude secondaire. La plupart des modèles disponibles sur le marché tiennent maintenant automatiquement compte de cette incertitude pour générer leurs résultats. D’autres éléments et jeux d’hypothèses dans les modèles de tremblement de terre font constamment l’objet d’ajustements et de raffinements. Au moment de considérer les SMP résultants, tels qu’estimés par le modèle, comme mesure de l’impact financier potentiel des tremblements de terre sur l’assureur, la haute direction doit envisager la prise en compte d’une marge de sécurité pour tenir compte de l’incertitude que présentent ces hypothèses additionnelles.
4.4 Exposition à plus d’une région
Traditionnellement, et jusqu’à ce jour, le SMP retenu par les assureurs canadiens pour s’assurer de respecter les exigences en matière de capital correspondait au plus élevé entre ceux de la Colombie-Britannique et du Québec, les deux provinces les plus exposées au risque de tremblement de terre. Bien qu’acceptable pour les assureurs n’opérant que dans une de ces deux provinces, comme c’est le cas pour la plupart des assureurs à charte québécoise, cette approche fait abstraction de l’exposition au risque de tremblement de terre ailleurs, ce qui pourrait avoir une incidence sur les pertes modélisées en queue de distribution. Ainsi, l’approche traditionnelle pourrait avoir pour effet de sous-estimer le SMP.
Par conséquent, l’Autorité s’attend à ce que les assureurs considèrent le risque pouvant provenir d’une exposition à plus d’une région. Pour une succursale d’un assureur étranger agréé au Canada, les engagements devraient inclure les risques situés au Québec qui ont été souscrits de l’extérieur du Canada, et qui sont exclus des données inscrites au bilan du P&C-2.
5. Ressources financières et plans de continuité
L’Autorité s’attend à ce que les assureurs disposent de ressources financières suffisantesLoi sur les assureurs, RLRQ, c. A-32.1, article 74. et se dotent de plans de continuité appropriés pour assurer la poursuite de leurs opérations en cas de tremblement de terre majeur.
Le montant du SMP représente la valeur totale des dommages qu’un tremblement de terre est peu susceptible de dépasser c’est-à-dire le montant au-delà duquel les pertes causées par un important tremblement de terre sont improbables. Pour les fins de la présente section, il inclut les ajustements pour la qualité des données, les engagements et risques non modélisés et l’incertitude propre au modèle.
5.1 Ressources financières
Les politiques et procédures relatives aux tremblements de terre devraient permettre de quantifier l’appétit de l’assureur pour ce risque et sa volonté de l’assumer, et indiquer dans quelle mesure ses ressources financières seront mises à contribution pour couvrir le SMP brutPour les fins de la présente ligne directrice, c’est le SMP brut qui sert à calculer l’exposition au risque de tremblement de terre. Il s’agit du montant du SMP après la prise en compte des franchises, mais avant considération de la réassurance cédée.. Les assureurs devraient se référer à la Ligne directrice sur les exigences en matière de suffisance du capitalAUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS. Ligne directrice sur les exigences en matière de suffisance du capital, assurances de dommages. pour déterminer s’ils disposent des ressources financières suffisantes pour faire face à un tremblement de terre. Les ressources financières qui peuvent servir à couvrir l’exposition au risque de tremblement de terre peuvent se résumer aux quatre éléments suivants :
a) Capital et excédent
La Ligne directrice sur les exigences en matière de suffisance du capital établit clairement le montant de la rétention maximale qui peut être financé à même les capitaux propres de l’assureur.
b) Provisions pour tremblement de terre
Ce montant est le résultat de l’accumulation facultative de primes pour tremblement de terre et de la provision supplémentaire pour tremblement de terre pouvant être requise afin de servir à couvrir l’exposition d’un assureur à ce risque. La Ligne directrice sur les exigences en matière de suffisance du capital apporte des précisions à ce sujet.
c) Réassurance
Bien que la plupart des assureurs utilisent un traité de réassurance de catastrophes, d’autres formes de réassurance telles que les traités en excédent de pleins, en quote-part ou en excédent de sinistres (par risque ou global) peuvent procurer une couverture substantielle pour certains assureurs. Il est à noter que lorsque des protections de réassurance autres que catastrophes entrent en jeu dans le calcul des ressources financières dont il dispose, l’assureur doit être en mesure de démontrer qu’il a dûment pris en considération les limites par événement et autres circonstances et modalités susceptibles de limiter ou d’épuiser la couverture offerte par ces autres protections de réassurance. Dans le cas où la réassurance en excédent de sinistres s’applique sur un compte global, l’assureur pourrait devoir utiliser un modèle stochastique complet.
Les accords officiels de réassurance, constatés par des ententes formelles liant des assureurs faisant partie d’un même groupe, constituent un mécanisme traditionnel acceptable pouvant être utilisé par les assureurs pour les aider à gérer leurs risques d’assurance, incluant leur exposition au risque de tremblement de terre. À noter cependant que les autres mécanismes de soutien financiers, comme les lettres de crédit et facilités de garanties, ne peuvent pas être utilisés.
Les programmes et ententes de réassurance devraient être établis conformément à la ligne directrice sur la réassuranceAUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS. Ligne directrice sur la gestion des risques liés à la réassurance.. Par ailleurs, les assureurs qui participent à un programme mondial de réassurance contre les catastrophes doivent considérer :
le niveau de protection en cours pour les opérations canadiennes (par exemple, ce niveau de protection pourrait être affecté négativement par l’épuisement de certaines tranches dû à d’autres événements);
l’adéquation et les possibilités de recouvrement advenant que d’autres régions soient touchées par un même événement.
d) Financement
Enfin, les assureurs peuvent recourir aux marchés financiers pour conclure des ententes de financement novatrices conçues pour couvrir leurs risques en cas de catastrophe. Dans certains cas, il peut s’agir de mécanismes de financement qui se déclenchent et deviennent opérationnels lorsqu’une catastrophe arrive. Les assureurs devraient être conscients qu’une autorisation de l’Autorité est nécessaire avant l’utilisation de ces instruments afin de s’assurer qu’ils puissent être reconnus comme sources de financement acceptables dans le cadre de la Ligne directrice sur les exigences en matière de suffisance du capital.
5.2 Plan de continuité
Conformément à la Ligne directrice sur la gestion de la continuité des activités, les assureurs devraient avoir en place un plan de continuité des opérations afin d’assurer la poursuite efficiente de leurs opérations en cas de catastrophe, dont l’éventualité d’un tremblement de terre. Le plan devrait porter plus particulièrement sur les aspects clés de la gestion des réclamations, notamment les moyens de communication alternatifs, la disponibilité et la compétenceNiveau approprié d’expertise, de qualifications professionnelles, de connaissance ou d’expérience pertinente pour œuvrer dans le domaine financier. du personnel requis pour le règlementExécution définitive d’une transaction, qui comporte la livraison des titres ou instruments financiers par le vendeur à l’acquéreur et la remise d’une somme d’argent par l’acquéreur au vendeur. des sinistres, la sauvegarde externe des systèmes d’information pour prendre le relai en cas de pannes et l’accès à tous les dossiers, incluant ceux relatifs à la réassurance.