Ligne directrice sur les simulations de crise

Juin 2012

Introduction

La crise financière de 2008-2009 a mis en lumière certaines lacunes dans l’encadrement des simulations de crise, les principales étant leur faible intégration au cadre de gestion intégrée des risquesEnsemble de pratiques et de processus s’appuyant sur une culture de risques et favorisant l’utilisation de techniques permettant d’améliorer le processus décisionnel et le rendement grâce à une vision holistique de l’ensemble des risques de l’institution financière. ainsi qu’aux processus décisionnels des institutions financières.

Les normes internationales en matière de gestion saine et prudente des risques, énoncées, entre autres, par le Comité de Bâle sur le contrôle bancaireComité de Bâle sur le contrôle bancaire. Convergence internationale de la mesure et des normes de fonds propres, Juin 2006; Principes fondamentaux pour un contrôle bancaire efficace, Octobre 2006. Bâle III : dispositif réglementaire mondial visant à renforcer la résilience des établissements et systèmes bancaires, Juin 2011. Basel Committee on Banking Supervision, Bank for International Settlements. Principles for sound stress testing practices and supervision, January 2009. et l’Association internationale des contrôleurs d’assuranceInternational Association of Insurance Supervisors. Stress Testing by Insurers, Guidance Paper, October 2003. Insurance Core Principles, Standards, Guidance and Assessment Methodology, 1 October 2011. encouragent les institutions à adopter une vision prospective dans la gestion de leurs activités quotidiennes, leur planification stratégique et leur gestion des capitaux. Les attentes de l’Autorité à l’égard de la simulation de crise s’inspirent des principes fondamentaux énoncés par les instances internationales.

L’Autorité considère qu’un programme efficace de simulations de crise contribue à améliorer les pratiques de gestion des risques, la prise de décisions et à préparer l’institution financière à affronter des conditions de marchés difficiles. La simulation de crise devrait donc en ce sens, faire partie intégrante de la politiqueEnsemble de principes généraux adoptés par une institution financière pour l'exercice de ses activités en lien avec un sujet donné. de gestion intégrée des risques de l’institutionAutorité des marchés financiers. Ligne directrice sur la gestion intégrée des risques..

Dans cette perspective, les institutions financières devraient mettre en place un programme de simulations de crise visant à identifier les sources, les types et l’ampleur des risques auxquels elles sont exposées.

Le niveau de sophistication des approches et des techniques employées à l’intérieur du programme dépendra de la nature, de la taille, de la complexité des activités et du profil de risqueÉvaluation du niveau de risque global de l’institution découlant de l’évaluation des risques inhérents aux activités d’envergure de l’institution financière, de la qualité de sa gestion des risques, de sa situation financière et de ses pratiques commerciales. de l’institution. Il appartient donc à chaque institution de développer un programme de simulations de crise adapté à ses besoins, en fonction de son appétit pour le risqueNiveau global et type de risque qu’une institution financière est prête à prendre pour réaliser son plan d’affaire et rencontrer ses objectifs stratégiques. et ses niveaux de tolérance aux risques.

Il appartiendra également à l’institution de démontrer ses choix quant au type, à l’ampleur, au moment choisi ainsi qu’à la fréquence envisagée pour les simulations.

De façon plus précise, en ce qui a trait aux assureurs, l’Autorité reconnaît que l’examen de la situation financière (ESF) est une composante du programme de simulations de crise. Cette ligne directriceDocument décrivant les mesures qui peuvent être prises par les institutions financières pour satisfaire à l’obligation légale de suivre des pratiques de gestion saine et prudente et à celle de suive de saines pratiques commerciales. ne présente pas la simulation de crise comme un outil évinçant l’ESF, mais davantage comme un outil complémentaire permettant, par exemple, d’introduire des scénarios de plus grande sévérité ainsi que des approches sous-tendant l’exercice d’opérationnalisation des scénarios.

La présente ligne directrice a pour objectif d’énoncer les attentes de l’Autorité envers les institutions financières en matière de simulations de crise. Les diverses lois sectorielles administrées par l’Autorité habilitentLoi sur les assureurs, RLRQ, c. A-32.1, article 463; Loi sur les coopératives de services financiersPersonne morale regroupant des personnes ayant des besoins économiques communs et qui, en vue de les satisfaire, s’associent pour former une institution de dépôts et de services financiers. , RLRQ, c. C-67.3, article 565.1; Loi sur les institutions de dépôts et la protection des dépôts, RLRQ, c. I-13.2.2, article 42.2; Loi sur les sociétés de fiducie et les sociétés d’épargne, RLRQ, c. S-29.02, article 254. cette dernière à donner des lignes directrices aux institutions financières pouvant porter sur toutes pratiques de gestion saine et prudentePratiques de gestion d’une institution financière visant à assurer une saine gouvernance et le respect des lois régissant ses activités, en prévoyant notamment le maintien d’actifs permettant l’exécution de ses engagements au fur et à mesure de leur exigibilité et de capitaux permettant d’assurer sa pérennité. .

1. Concepts et approches sous-tendant la simulation de crise

La simulation de crise est un outil de gestion des risques visant à évaluer la vulnérabilité potentielle d’une institution financière à des événements exceptionnels, mais plausiblesCOMMITTEE ON THE GLOBAL FINANCIAL SYSTEM. Stress Testing by Large Financial Institutions: Current Practice and Aggregation Issues, April 2000. . Ces évènements sont par exemple reconnus pour leur sévérité et leur faible probabilité de réalisation, y incluant les évènements extrêmes.

Plus précisément, la simulation de crise permet d’évaluer l’impact potentiel d’événements ou de mouvements combinés de facteurs sur les différentes composantes (secteurs d’activités, portefeuilles, etc.) d’une institution en termes de situation financière.

Trois principales approches sous-tendent généralement les techniques utilisées dans l’opérationnalisation d’une simulation de crise.

1.1 L’analyse de sensibilité

Cette approche consiste à faire varier un seul ou un sous-ensemble restreint de facteurs de risques. On parle donc d’une approche de simulation où l’étendue du (des) choc(s) considéré(s) n’est pas reflétée dans tous les facteurs qui seraient pourtant impactés par le(s) choc(s).

Le principal avantage de cette approche est qu’elle permet d’isoler la contribution d’un ensemble restreint de facteurs ciblés au profil de risque de l’institution.

À titre d’exemple, une institution pourrait s’intéresser à mesurer l’incidence sur la rentabilité de ses opérations d’une chute soudaine des taux d’intérêt de court terme en faisant abstraction de la cause de cette chute ou de son impact sur l’économie.

1.2 L’analyse de scénario

Cette approche vise quant à elle à évaluer l’impact de la variation simultanée d’un ensemble complet de facteurs, dans le but de refléter un événement qui pourrait se concrétiser dans le futur. L’événement à la base du scénario devrait être clairement défini.

Une analyse de scénario intègre à la fois le choc initial et tous ses effets secondaires sur l’ensemble des facteurs pertinents, mais qui ne sont pas contrôlés par l’institution.

Contrairement à l’approche précédente, une analyse de scénario basée sur une chute des taux d’intérêt de court terme devrait préciser la cause de cette chute et inclure ses effets sur tous les autres facteurs économiques pertinents à l’institution.

Les scénarios développés peuvent être de nature historique, c’est-à-dire fondés sur des événements du passé que l’on estime susceptibles de se reproduire, ou de nature hypothétique, fondés sur des événements plausibles qui ne sont pas encore survenus.

Les scénarios devraient également incorporer des éléments atypiques, par exemple des effets de corrélation parfaite entre les types de risque en situation de crise.

Les paramètres de chacun des scénarios (facteurs considérés, ampleur des chocs, etc.) peuvent différer d’un scénario à l’autre, mais doivent être cohérents entre eux et pertinents à l’objectif visé par chacune des analyses.

L’analyse de scénario a l’avantage de fournir un portrait plus complet des impacts potentiels de chocs, mais est plus exigeante en termes de ressources. Suivant cette optique, l’Autorité ne s’attendra pas à ce qu’une institution ayant des activités peu complexes mette en place ce type d’analyse sur une base régulière.

1.3 La simulation de crise inversée

La simulation de crise inversée vise à identifier les événements ou conjonctures qui pourraient mettre en péril la solvabilité d’une institution, ou lui causer d’autres dommages importants, telle une atteinte à sa réputation.

Cette approche s’opérationnalise par des analyses « à rebours », puisqu’elle vise d’abord à identifier les types et l’ampleur des pertes à conséquences graves, puis à déterminer les événements pouvant mener à la concrétisation de ces pertes. Elle favorise entre autres l’identification des risques à teneur qualitative (non basés sur une distribution de probabilité), par exemple l’impact sur la solvabilité lié à la perte d’un client important.

Parmi les principaux avantages de la simulation de crise inversée, on compte :

  • favoriser la conception de scénarios intégrés;

  • déterminer plus facilement la plausibilité des scénarios;

  • favoriser l’identification de concentrations de risques à l’intérieur et/ou entre les secteurs d’activité;

  • faciliter l’identification de certains risques et vulnérabilités cachés;

  • aider l’institution à l’identification de l’interdépendance entre diverses sources de risque et des potentielles incohérences dans les plans d’atténuations des risques;

  • favoriser la gestion intégrée des risques.

2. Cadre général

Principe 1 : Rôles et responsabilités du conseil d’administration et de la haute direction

L’Autorité s’attend à ce que la simulation de crise fasse partie intégrante de la gestion intégrée des risques de l’institution et soit soutenue par une solide gouvernance.

L’engagement du conseil d’administrationGroupe de personnes élues ou nommées qui est ultimement responsable de la gouvernance et de la supervision d’une institution financière. , de la haute directionGroupe de personnes chargés de la gestion quotidienne d’une institution financière selon les stratégies et les politiques établies par le conseil d’administration. et du chef de la gestion des risques ou d’une personne responsable de cette fonction, est essentiel au fonctionnement efficace et efficient du programme de simulations de crise. Le conseil d’administration devrait promouvoir une culture, mise en œuvre par la haute direction, où est encouragée la tenue de discussions, allant jusqu’à la remise en question des hypothèses formulées; discussions au sein du personnel impliqué dans la mise en place, l’exécution du programme de simulations de crise et l’analyse des résultats.

Les discussions devraient notamment couvrir les objectifs du programme, l’élaboration des scénarios et les décisions suivant l’interprétation des résultats. Une emphase particulière devrait être portée, lorsque la taille de l’institution le permet, à rechercher la participation de personnel expert dans un domaine pertinent, mais qui n’est pas nécessairement impliqué dans le programme.

Rôles et responsabilités du conseil d’administrationLorsqu’il est fait mention du conseil d’administration, il peut s’agir d’un comité de ce dernier formé par exemple, à des fins d’examen de points particuliers

Le conseil d’administration a l’ultime responsabilité du programme de simulations de crise. Il devrait notamment :

  • approuver le programme ainsi que les modifications substantielles qui y sont apportées;

  • être informé, régulièrement et par écrit, des principaux constats issus des simulations de crise et des implications de ceux-ci sur le profil de risque de l’institution;

  • être informé des stratégies possibles d’atténuation des risques.

Rôles et responsabilités de la haute direction

Dans le cadre du programme de simulations de crise, les rôles et les responsabilités qui incombent à la haute direction ainsi qu’au chef de la gestion des risques sont principalement :

  • approuver les procéduresUne succession imposée de tâches à réaliser. Elle répond en général à des impératifs qui ne sont pas discutables par la personne qui l’applique. de suivi et de gestion du programme de simulation de crise;

  • mettre en œuvre, gérer et assurer le suivi du programme de simulations de crise et veiller à ce qu’il soit applicable à toute l’institution;

  • participer à la détermination de scénarios de crise exhaustifs, compréhensibles et applicables à l’institution;

  • incorporer les résultats des simulations de crise au processus de révision de la tolérance au risqueLa tolérance au risque fixe des limites à l’ampleur des risques qu’une institution financière est disposée à accepter selon son appétit pour le risque. de l’institution, la délimitation du risque acceptable et l’évaluation des options stratégiques à long terme;

  • contribuer à l’élaboration des stratégies d’atténuation des risques;

  • assurer la documentation du programme de simulations de crise ainsi que de chacune de ses composantes (scénarios, méthodologies, etc.).

Principe 2 : Programme de simulations de crise

L’Autorité s’attend à ce que l’institution mette en œuvre un programme de simulations de crise, basé sur un éventail de perspectives et de techniques, favorisant la gestion intégrée des risques.

La simulation de crise n’est pas un exercice standardisé, c’est-à-dire que les programmes doivent être adaptés à la taille, à la nature, à la complexité des activités et au profil de risque de chacune des institutions financières. Toutefois, quels que soient l’ampleur et le degré de sophistication du programme mis en place, celui-ci devrait faire partie intégrante de la gestion intégrée des risques de l’institution financière.

Programme de simulations de crise

Un programme de simulations de crise est composé de l’ensemble des procédures et processus dans lesquels les simulations sont développées, évaluées et utilisées comme intrants à la prise de décision.

Le programme devrait inclure :

  • les techniques et la mécanique d’exécution de chacune des simulations effectuées;

  • les portefeuilles et activités commerciales concernés par les simulations;

  • l’ensemble des scénarios élaborés;

  • les modèles utilisés dans l’opérationnalisation des scénarios;

  • les rapports explicitant les résultats aux instances décisionnellesLe conseil d’administration, la haute direction et les personnes responsables des fonctions de supervision. .

La portée et la complexité des efforts déployés par les institutions doivent être proportionnelles à l’importance et la sophistication de leurs activités.

Un programme de simulations de crise efficace permet de mesurer l’impact des hypothèses qualitatives ou quantitatives sous-jacentes à un modèle ou à une pratique de gestion. La portée du programme devrait couvrir tous les modèles d’évaluation des risques ainsi que tous les secteurs d’activités de l’institution.

Chacune des simulations tenues dans le cadre du programme devrait d’abord ignorer les mesures d’atténuation des risques disponibles à l’institution face à la situation de crise et présenter les conséquences brutes des chocs anticipés, afin d’appuyer la formulation de plans de continuité des activitésPlan d’action écrit qui définit les procédures et détermine les ressources nécessaires à la continuité et à la reprise des activités d’une institution. ou d’atténuation des risques. Toutefois, dans le cadre d’une seconde phase, des mesures d’atténuation pourraient être incluses afin de dresser un portrait des effets résiduels des chocs.

Concrètement, un programme s’opérationnalise en simulant différents chocs et scénarios susceptibles d’impacter notamment la continuité des activités de l’institution ou sa solvabilité.

Programme de simulations de crise et exercice dynamique de suffisance du capital

Tel que précédemment mentionné, dans le cas des assureurs, l’ESF est une composante du programme de simulations de crise. Les règles établies par l’Institut canadien des actuaires (ICA) dans sa note éducativeINSTITUT CANADIEN DES ACTUAIRES. Commission sur la gestion des risques et le capital requis, Note éducative. Examen dynamique de suffisance du capital, Novembre 2007. relative à l’ESF couvrent la majorité des éléments présentés dans la présente ligne directriceDocument décrivant les mesures qui peuvent être prises par les institutions financières pour satisfaire à l’obligation légale de suivre des pratiques de gestion saine et prudente et à celle de suive de saines pratiques commerciales. .

Les assureurs sont donc encouragés à utiliser les résultats et les méthodes liés à la production de leur ESF afin de répondre aux attentes de l’Autorité en matière de simulations de crise. Les résultats de l’ESF devraient être systématiquement complémentés par l’analyse de scénarios exceptionnels, mais plausibles, plutôt que simplement défavorables, et lorsque nécessaire par l’utilisation de l’approche par simulations de crise inversée, dans le but, entre autres, de déceler des risques qualitatifs, c’est donc dire, non basés sur des distributions de probabilité.

Rôles du programme à l’intérieur de la gestion intégrée des risques

Le programme de simulations de crise devrait viser entre autres, par sa contribution à la gestion intégrée des risques, les éléments suivants :

  • appuyer l’identification et le contrôle des risques

    • considérer l’ensemble des risques de l’institution;

    • intégrer les activités de gestion des risques à l’échelle de l’institution;

    • contribuer à la réévaluation du profil de risque de l’institution et faciliter son suivi;

    • permettre au conseil d’administrationGroupe de personnes élues ou nommées qui est ultimement responsable de la gouvernance et de la supervision d’une institution financière. et à la haute directionGroupe de personnes chargés de la gestion quotidienne d’une institution financière selon les stratégies et les politiques établies par le conseil d’administration. de valider l’alignement de ses expositions avec son appétit pour le risqueNiveau global et type de risque qu’une institution financière est prête à prendre pour réaliser son plan d’affaire et rencontrer ses objectifs stratégiques. ;

    • se baser principalement sur des environnements de marché exceptionnels, mais plausibles;

    • considérer les concentrations et les interactions entre les risques, puisque les hypothèses valides en temps normaux peuvent s’effondrer dans des contextes de crise;

    • estimer l’exposition potentielle de l’institution en contexte de crise et favoriser le développement de stratégies d’atténuation des risques;

    • faciliter la communication à l’interne. L’analyse par scénarios pourrait contribuer à offrir une vision plus tangible des expositions et des actions à entreprendre afin de les atténuer.

  • offrir une perspective complémentaire aux autres outils de gestion des risques

    • déceler certaines vulnérabilités non captées par les outils basés uniquement sur des données historiques;

    • compléter les analyses fournies par les outils de gestion en place;

    • questionner les caractéristiques de risques des nouveaux produits, portefeuilles ou stratégies de gestion des risques lorsque les données historiques sont limitées ou lorsque l’historique ne couvre pas de périodes de crise.

  • préparer les décideurs aux périodes de changements

    • fournir une vision complète lors de revirements du cycle économique ou de grands changements de facteurs hors du contrôle de l’institution; quand l’environnement récent diffère significativement de celui anticipé pour le futur immédiat;

    • tempérer les anticipations des institutions lors de périodes de stabilité ou de croissance soutenue.

  • appuyer la gestion des fonds propres et des liquidités

    • faire partie intégrante du processus d’évaluation de l’adéquation et de la suffisance des fonds propres de l’institution financière;

    • complémenter l’examen de la suffisance financière, dans le cas des assureurs;

    • identifier les événements ou conditions du marché susceptibles de compromettre la solvabilité de l’institution;

    • appuyer la mesure, le suivi et le contrôle du risque de liquidité ainsi que l’adéquation des niveaux de liquiditésAUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS. Ligne directrice sur la gestion du risque de liquidité. en cas de crise spécifique à l’institution ou de nature systémique;

    • mesurer la capacité d’un assureur à assumer une large sortie de fonds lors d’une hausse des réclamations ou d’une baisse inattendue dans la perception de primes;

    • jouer un rôle dans la communication avec l’Autorité lors du processus d’évaluation de la suffisance des fonds propres réglementairesL’ensemble des instruments de capital d’une institution financière respectant, selon différentes catégories, les critères de qualité minimale exigée par les autorités réglementaires. et du capital économiqueCapital dont une institution financière a besoin pour gérer sa tolérance au risque et alimenter son plan d’affaires et qui est établi selon une évaluation économique de ses risques, les liens entre eux et les mesures d’atténuation des risques mises en place. AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS. Ligne directrice sur la gestion intégrée des risques..

Utilisation de modèles

Le programme devrait utiliser les divers modèles de mesure des risques déployés à travers l’institution et compléter avec de nouveaux modèles ciblés en cas de besoin.

Chacun des modèles doit être utilisé :

  • en considérant son domaine d’applicabilité;

  • en s’assurant de respecter chacune de ses hypothèses fondamentales.

La paramétrisation d’un modèle dépend directement de l’environnement dans lequel il a été estimé. Il est possible, par exemple, qu’un modèle estimé à partir d’un échantillon tiré d’une période de forte croissance économique ne convienne pas à l’étude d’un scénario de crise marqué par un ralentissement généralisé de l’économie.

La robustesse de la paramétrisation et les fondements théoriques des modèles intégrés au programme devraient donc être étudiés attentivement afin de définir les limites de leur utilisation. Les limitations des modèles ainsi que les hypothèses entourant les simulations de crise doivent être documentées.

Principe 3 : Encadrement du programme

L’Autorité s’attend à ce que l’institution mette en place un encadrement flexible, mais robuste et que les procédures gouvernant son programme de simulations de crise soient bien documentées.

Les procédures gouvernant le programme de simulations de crise devraient dicter, à l’équipe responsable de l’opérationnalisation des simulations de crise, la marche à suivre afin de satisfaire aux attentes liées au programme.

Ces procédures devraient notamment établir les éléments suivants :

  • la fréquence des simulations de crise;

  • les détails de la méthodologie adoptée;

  • les sources de données;

  • l’objectif et l’étendue des simulations de crise;

  • la définition des scénarios, des hypothèses sous-jacentes, des techniques et des éléments fondamentaux de chaque simulation de crise;

  • le rôle donné au jugement d’expert;

  • la mesure de la cohérence entre les résultats des simulations de crise, la nature des scénarios retenus (étendue et sévérité) et leurs hypothèses sous-jacentes;

  • la description des actions qui pourraient être entreprises lorsque les résultats des simulations indiquent un besoin d’atténuation des risques, ainsi qu’une évaluation de la faisabilité et des impacts de ces actions.

Un programme de simulations de crise, selon la nature et la taille de l’institution, peut nécessiter la disponibilité d’une grande quantité de données relatives à l’institution, à ses contrepartiesEntité constituant la partie opposée dans un contrat financier ou une transaction. ainsi qu’à l’environnement économique et financier dans lequel elle opère. Dans le cas d’une institution de moindre envergure, la quantité d’information suffisante à la tenue d’un programme de simulations de crise pourrait être relativement limitée.

L’institution devrait s’assurer qu’elle alloue les ressources (personnel, logiciels, infrastructures, données) nécessaires pour mener des simulations de crise représentatives de sa taille et de la nature de ses activités. Ces ressources devraient être suffisamment flexibles et qualifiées afin de s’adapter aux environnements économiques et financiers changeants. Elles seront ainsi en mesure de réaliser des simulations de crise pertinentes, à partir d’événements exceptionnels, mais plausibles, intégrées et adaptées aux besoins de l’institution.

Principe 4 : Évaluation et mise à jour du programme de simulations de crise

L’Autorité s’attend à ce que l’institution évalue son programme de simulations de crise, en analyse les résultats et le maintienne à jour, de façon régulière et indépendante.

Le programme de simulations de crise devrait être évalué régulièrement, de façon quantitative et qualitative, afin d’assurer que les procédures le gouvernant ont bien été suivies et que les résultats sont adéquats.

L’indépendance des évaluateurs du programme devrait être assurée par l’absence de participation directe à l’élaboration et à la mise en œuvre des simulations de crise évaluées. Les mécanismes de contrôle interneL’ensemble des mécanismes de contrôle mis en place au sein de l’institution financière pour donner aux instances décisionnelles une assurance raisonnable que les objectifs d’efficacité et d’efficience des opérations, de protection des actifs, de fiabilité des informations et de conformité sont atteints. , les responsables de la validation des modèles, le cas échéant, ou l’audit externe devraient jouer des rôles clés dans ce processus.

Dans la mesure du possible, l’approche par étalonnage et la validation par des contrôles ex post pourraient être considérées comme des outils d’évaluation quantitative des méthodes composant le programme.

De plus, la capacité des modèles économétriques et statistiques à fonctionner adéquatement en situation de crise devrait être évaluée. Les validateurs devraient s’assurer que les hypothèses composant le modèle ne sont pas violées lors des simulations et que la paramétrisation est robuste aux changements de régime.

L’évaluation qualitative du programme de simulations de crise devrait couvrir les éléments suivants :

  • le degré d’intégration du programme de simulations de crise dans la gestion quotidienne des risques;

  • le processus d’autorisation des changements au programme de simulations de crise;

  • l’intégrité des systèmes de gestion de l’information et la disponibilité des données;

  • la cohérence et la pertinence des sources de données;

  • l’exactitude, la fiabilité et l’exhaustivité des données utilisées;

  • la sévérité, l’étendue et la pertinence des scénarios;

  • la capacité du programme à atteindre les objectifs fixés;

  • l’adéquation de la documentation des processus.

3. Méthodologie et choix des scénarios

Les méthodologies et scénarios qui forment le programme de simulations de crise doivent être choisis de façon rigoureuse. La qualité des résultats qui seront issus du programme dépendra entièrement de la capacité des unités responsables à mettre en œuvre un programme complet, efficace et basé sur les saines pratiques énoncées par les principes qui suivent.

Principe 5 : Étendue du programme et intégration des résultats

L’Autorité s’attend à ce que le programme de simulations de crise couvre un éventail adéquat de risques et de champs d’activités. L’institution devrait pouvoir intégrer adéquatement ses différentes activités de simulations de crise afin d’apprécier l’ensemble de son profil de risque.

Le programme de simulations de crise devrait intégrer de façon complète et cohérente plusieurs facteurs de risque, tant au niveau des produits, des unités d’affaires que de l’institution. En utilisant un niveau approprié de granularité, le programme devrait examiner l’effet de divers chocs affectant les facteurs de risque, en tenant compte des interactions possibles entre ces facteurs.

L’institution devrait également utiliser les simulations de crise pour identifier, contrôler et suivre les risques de concentrationDésigne une exposition qui risque de produire des pertes suffisamment importantes pour mettre en péril la santé financière d’une institution financière ou sa capacité à poursuivre ses principales activités. et les risques résiduelsLe risque subsistant après que des actions ou mesures aient été prises pour en réduire l’impact ou la probabilité. . À cet égard, les scénarios élaborés devraient :

  • être complets et détaillés;

  • couvrir la totalité des activités de l’institution ainsi que les actifs et passifs apparaissant ou non au bilan;

  • couvrir tous les risques, qu’ils soient contingents ou non.

L’impact d’un scénario de crise devrait être mesuré à partir de métriques cohérentes avec la nature et la raison d’être du scénario ainsi qu’avec les risques et les portefeuilles analysés. De façon générale, un ensemble de métriques est nécessaire à l’appréciation complète d’un scénario, par exemple :

  • la valeur des actifs, des passifs et des capitaux propres;

  • les profits et pertes comptables;

  • les profits et pertes économiques;

  • le capital réglementaireMontant de capital minimal requis par les autorités réglementaires pour assurer une gestion saine et prudente de l’institution financière. ou les actifs pondérés en fonction des risques;

  • le capital économiqueCapital dont une institution financière a besoin pour gérer sa tolérance au risque et alimenter son plan d’affaires et qui est établi selon une évaluation économique de ses risques, les liens entre eux et les mesures d’atténuation des risques mises en place. ;

  • les provisions techniques;

  • les activités de dépôt;

  • les écarts de liquidité et de financement.

L’objectif recherché de cet exercice est d’intégrer de façon efficace les résultats du programme aux divers processus décisionnels de l’institution, en s’assurant de couvrir de façon exhaustive tous les risques auxquels l’institution fait face.

Principe 6 : Éventail de scénarios et pressions simultanées

L’Autorité s’attend à ce que le programme de simulations de crise couvre un éventail de scénarios, y compris des scénarios prévisionnels, intégrant des pressions simultanées à divers facteurs de risque.

Un programme efficace de simulations de crise devrait être composé de scénarios couvrant un large spectre d’événements de même que divers degrés de sévérité. L’emphase devrait être mise sur les événements potentiellement les plus dommageables à l’institution.

Le processus de création des scénarios devrait faire preuve de rigueur, de souplesse et d’imagination, afin d’accroître la probabilité d’identifier la totalité des vulnérabilités potentielles. Il va sans dire que l’éventail de scénarios considéré par l’institution devrait être représentatif de sa nature, sa taille, son profil de risque et de la complexité de ses activités.

Lors de l’élaboration des scénarios, les personnes responsables devraient s’assurer de :

  • couvrir tous les risques importants pour l’institution (par exemple, risque de crédit, de marché, opérationnel, d’assurance, juridique, de liquidité ainsi que les risques pouvant toucher l’institution par son statut de membre d’un groupe);

  • considérer les vulnérabilités propres à l’institution, par exemple des facteurs régionaux, structurels, légaux ou sectoriels;

  • incorporer les interactions et les effets de rétroaction entre les facteurs de risque considérés;

  • alimenter la formulation de nouveaux scénarios, principalement dans le cas d’analyses de sensibilité où les résultats peuvent suggérer l’analyse combinée d’un ensemble de facteurs de risque;

  • présenter une description complète du scénario qui identifie clairement les événements déclencheurs, les canaux de transmission des chocs et les hypothèses en termes de covariation (mouvements conjoints) des facteurs de risque. La description devrait démontrer que le scénario est exempt de paradoxe.

Étant donné que les scénarios historiques sont rétrospectifs, les développements récents et les vulnérabilités actuelles pourraient être négligés. Dans cette perspective, la conception des scénarios devrait donc intégrer, en plus d’une approche historique, une approche prospective avec une emphase sur le court terme.

Les scénarios prévisionnels se distinguent par leur intégration des connaissances et du jugement de plusieurs experts, par exemple des économistes, des spécialistes en gestion financière, des actuaires ou des représentants des unités opérationnelles, en plus de s’inspirer des préoccupations de la haute directionGroupe de personnes chargés de la gestion quotidienne d’une institution financière selon les stratégies et les politiques établies par le conseil d’administration. . Le défi consiste à stimuler la discussion et utiliser l’information disponible d’une façon efficace.

Les scénarios prévisionnels pourraient notamment incorporer les éléments suivants :

  • des changements dans la composition des portefeuilles;

  • de nouvelles informations pouvant modifier le profil de risque de l’institution financière;

  • l’émergence de nouvelles sources de risque n’apparaissant pas dans l’historique ou dans les épisodes de crise passés;

  • de nombreux horizons temporels, en fonction des caractéristiques des risques, des expositions étudiées ainsi que de l’objectif visé par la simulation en question. Les horizons temporels devraient être considérés au niveau de la liquidité des expositions figurant aux portefeuilles visés par la simulation;

  • des situations de récessions, de stagnation ou d’hyperinflation, par exemple, où la capacité des institutions à réagir à moyen ou long terme est compromise. Les effets systémiques et les rétroactions devraient faire partie intégrante des scénarios à caractère macroéconomique.

Les scénarios développés devraient également tenir compte du fait que les pressions ont habituellement de multiples facettes.

Pour une institution de dépôts, les marchés du financement et des actifs peuvent être largement interreliés, particulièrement pendant des épisodes de crise. L’occurrence d’une crise financière est accompagnée par un alourdissement des bilans des institutions financières, pouvant freiner la disponibilité des liquidités, amenuiser ainsi la santé des institutions et nuire à la stabilité du système financier.

Les institutions de dépôts devraient intégrer à leur programme de simulations de crise les interrelations entre divers facteurs, incluant :

  • les chocs de prix à des catégories d’actifs spécifiques;

  • l’assèchement des liquidités pour les actifs subissant un choc;

  • la possibilité que des pertes significatives détériorent la solidité financière de l’institution;

  • la possibilité d’avoir à ajouter au bilan des actifs victimes d’un choc négatif;

  • la possibilité d’un retrait massif des dépôts;

  • un accès globalement limité aux marchés de financement garanti ou non garanti.

Du côté des assureurs, une attention spéciale devrait être accordée aux rapports importants entre les divers facteurs de risque.

Pour un assureur de personnesAssureur autorisé à exercer une catégorie d’assurance qui porte sur la vie, l’intégrité physique ou la santé de l’assuré. , l’évolution de la conjoncture économique peut influer sensiblement sur le comportement des souscripteurs, notamment au niveau des taux de déchéance, du recours à des options dans les contrats d’assurance, et des taux de morbidité et de rétablissement.

Pour un assureur de dommagesAssureur autorisé à exercer dans une catégorie d’assurance qui garantit l’assuré contre les conséquences d’un évènement pouvant porter atteinte à son patrimoine. , non seulement l’évolution de la conjoncture économique pourrait influer ses revenus de placement et ses frais, mais elle pourrait également engendrer une augmentation des réserves pour sinistres. Les relations entre divers facteurs dépendent des produits de l’assureur, de sa politiqueEnsemble de principes généraux adoptés par une institution financière pour l'exercice de ses activités en lien avec un sujet donné. d’investissement et de son approche à la gestion de ses activités.

Principe 7 : Sévérité et pertinence des scénarios

L’Autorité s’attend à ce que le programme de simulations de crise contienne des scénarios couvrant plusieurs niveaux de sévérité, incluant des événements pouvant générer le pire des préjudices au niveau de l’ampleur des pertes ou de l’impact sur la réputation.

L’éventail de scénarios figurant au programme devrait couvrir les événements les plus potentiellement dommageables à l’institution. L’identification de ces événements requiert une connaissance approfondie du profil de risque de l’institution, ainsi que de l’environnement économique dans lequel l’institution évolue.

La simulation de crise inversée, décrite dans la présente ligne directriceDocument décrivant les mesures qui peuvent être prises par les institutions financières pour satisfaire à l’obligation légale de suivre des pratiques de gestion saine et prudente et à celle de suive de saines pratiques commerciales. , est l’outil adéquat afin de considérer une gamme d’événements graves. L’intégration de cette technique au programme de simulations de crise contribue à la découverte des risques cachés et des interactions entre les différents risques.

Le processus de sélection des scénarios devrait faire en sorte que l’institution considère des éléments allant au-delà de la tenue normale de ses activités.

Des éléments qui pourraient, entre autres, faire l’objet de scénarios qualifiés de sévères seraient :

  • les lignes d’affaires où les approches traditionnelles de gestion des risques indiquent un ratio de risque au rendement exceptionnellement élevé;

  • les nouveaux produits;

  • les nouveaux marchés n’ayant pas encore vécu d’épisodes de crise;

  • les expositions dans des marchés à faible liquidité.

4. Atténuation des risques

Principe 8 : Contribution à l’élaboration de plans d’atténuation des risques

L’Autorité s’attend à ce que la simulation de crise facilite l’élaboration de plans d’atténuation des risques.

Le programme de simulations de crise devrait être un intrant important au processus d’élaboration de plans d’atténuation des risques ainsi que permettre d’évaluer et de remettre en question l’efficacité des plans préalablement établis.

Des simulations visant à mesurer l’adéquation des plans d’atténuation des risques en situation de crise devraient être mises en place. La possibilité que de nombreuses institutions activent simultanément des plans d’urgence similaires, de même que les ralentissements importants des marchés en temps de crise devraient être considérés.