Ligne directrice sur la gestion du capital

Mai 2015

Introduction

La capacité des institutions financières de s’acquitter de leurs obligations est l’une des composantes fondamentales des pratiques de gestion saine et prudentePratiques de gestion d’une institution financière visant à assurer une saine gouvernance et le respect des lois régissant ses activités, en prévoyant notamment le maintien d’actifs permettant l’exécution de ses engagements au fur et à mesure de leur exigibilité et de capitaux permettant d’assurer sa pérennité. . À cet égard, le capitalAux fins du présent document, les terminologies « capital » et « fonds propres » sont considérées équivalentes. d’une institution financière joue un rôle essentiel dans la mesure où une de ses principales fonctions est de protéger les engagements pris envers les assurés et déposants.

Dans cette optique, l’Autorité émet des attentes en matière de suffisance du capital, lesquelles sont définies dans des lignes directricesDocument décrivant les mesures qui peuvent être prises par les institutions financières pour satisfaire à l’obligation légale de suivre des pratiques de gestion saine et prudente et à celle de suive de saines pratiques commerciales. Ligne directrice sur les exigences de suffisance du capital - assurance de personnes; Ligne directrice sur les exigences en matière de suffisance du capital - assureurs de dommagesAssureur autorisé à exercer dans une catégorie d’assurance qui garantit l’assuré contre les conséquences d’un évènement pouvant porter atteinte à son patrimoine. ; Ligne directrice sur les normes relatives à la suffisance du capital de base - coopératives de services financiersPersonne morale regroupant des personnes ayant des besoins économiques communs et qui, en vue de les satisfaire, s’associent pour former une institution de dépôts et de services financiers. ; Ligne directrice sur les normes relatives à la suffisance du capital - caisses non membres d’une fédération, sociétés de fiducie et sociétés d’épargne. qui établissent les niveaux de capital règlementaireExécution définitive d’une transaction, qui comporte la livraison des titres ou instruments financiers par le vendeur à l’acquéreur et la remise d’une somme d’argent par l’acquéreur au vendeur. , selon le secteur concerné, en fonction des risques assumés par les institutions financières. Essentiellement, ces lignes directrices forment la base d’une gestion saine et prudente du capital en établissant et comparant les besoins en capital et le capital disponible des institutions afin de s’assurer qu’elles rencontrent les exigences requises.

La présente ligne directrice a pour objectif d’énoncer les principes devant guider et encadrer la gestion du capital au sein des institutions financières à un niveau plus global, voire en amont de la détermination du niveau minimal de capital règlementaire.

En effet, la gestion du capital constitue un processus très large qui englobe non seulement la suffisance du capital, mais également l’ensemble des stratégies, politiquesEnsemble de principes généraux adoptés par une institution financière pour l'exercice de ses activités en lien avec un sujet donné. et procéduresUne succession imposée de tâches à réaliser. Elle répond en général à des impératifs qui ne sont pas discutables par la personne qui l’applique. par lesquelles une institution détermine et planifie l’utilisation de son capital. Les exigences règlementaires, l’environnement, le profil de risqueÉvaluation du niveau de risque global de l’institution découlant de l’évaluation des risques inhérents aux activités d’envergure de l’institution financière, de la qualité de sa gestion des risques, de sa situation financière et de ses pratiques commerciales. , l’appétit pour le risqueNiveau global et type de risque qu’une institution financière est prête à prendre pour réaliser son plan d’affaire et rencontrer ses objectifs stratégiques. , la planification stratégique et les impératifs économiques sont autant d’éléments qui doivent être considérés dans ce processus.

La présente ligne directrice aborde des éléments fondamentaux de la gestion du capital. Ces éléments concernent les pratiques entourant la gouvernance et la reddition de compte en lien avec le cadre de gestionEnsemble des politiques, procédures et mécanismes de contrôle visant à assurer la gestion des principales fonctions d’une organisation. du capital, l’établissement du niveau cible interne de capitalMontant de capital nécessaire, tel que déterminé par une institution financière, pour couvrir l’ensemble des risques liés à ses activités actuelles et projetées. Ce montant devrait excéder celui du capital réglementaire. par rapport au profil de risque, le choix des stratégies en matière de mobilisation du capital et enfin les aspects relatifs à la qualité et la composition du capital.

Les normes internationales en matière de gestion saine et prudente des risques énoncées entre autres par le Comité de Bâle sur le contrôle bancaireBANQUE DE RÈGLEMENT INTERNATIONAUX, COMITÉ DE BÂLE SUR LE CONTRÔLE BANCAIRE. Principes fondamentaux pour un contrôle bancaire efficace, septembre 2012. BANQUE DE RÈGLEMENT INTERNATIONAUX, COMITÉ DE BÂLE SUR LE CONTRÔLE BANCAIRE. Éléments fondamentaux d’une saine planification des fonds propres, janvier 2014 et l’Association internationale des contrôleurs d’assuranceINTERNATIONAL ASSOCIATION OF INSURANCE SUPERVISORS. Insurance Core Principles, Standards, Guidance and Assessment Methodology, October 2011, ICP 9 amended October 2012, ICP 22 amended October 2013., incitent les régulateurs à fournir un cadre qui exige des institutions financières qu’elles adoptent une vision prospective notamment dans la gestion de leurs capitaux.

L’Autorité adhère à ces principes et considère que la qualité de la gestion du capital est essentielle à la pérennité des institutions financières. Ainsi, les attentes de la présente ligne directrice s’inspirent donc fortement des principes fondamentaux énoncés par ces instances.

1. La gestion du capital

L’Autorité s’attend à ce que la gestion du capital soit effectuée de façon intégrée avec l’ensemble des activités liées à la planification stratégique et au cadre de gestion des risques, notamment avec le programme de simulation de crise, l’énoncé de son appétit pour le risque et l’établissement de ses niveaux de tolérance aux risques.

Le capital constitue un élément essentiel de la solvabilité d’une institution financière et sa gestion est intrinsèquement liée à la prise de risques par l’institution.

À ce titre, l’Autorité s’attend à ce que chaque institution financière se dote d’un processus d’évaluation de ses risques et de sa solvabilité lui permettant de dégager les liens qui existent entre ses différentes activités, facilitant ainsi la prise de décision en tenant compte de son niveau de capital, de son appétit pour le risque et de ses stratégies d’affaires.

L’Autorité considère également que l’institution devrait tendre vers l’intégration de ses activités de façon dynamique, cohérente et proactive afin que celle-ci puisse profiter des occasions de se procurer des capitaux à des conditions avantageuses et réduire ainsi le risque de situations défavorables. Les impacts des activités ainsi que leur interdépendance devraient également être considérés comme des variables importantes de la gestion du capital.

L’institution devrait aussi avoir une vision large et tenir compte notamment d’éléments tels que la procyclicitéLa variation des besoins ou des pratiques en matière de gestion des risques qui est positivement liée à la fluctuation du cycle économique ou du cycle du crédit et qui peut provoquer ou amplifier l’instabilité financière. , les impératifs économiques, la perception des investisseurs, les attentes des organismes de réglementation et pour les groupes financiersEst considéré comme « groupe financier » tout ensemble de personnes morales formé d’une société mère (institution financière ou holding) et de personnes morales qui lui sont affiliées. , les transferts possibles de capitaux à l’intérieur de ceux-ci. Ce faisant, un des principaux objectifs visés par l’institution financière devrait être la réalisation de son plan stratégique dans un contexte lui permettant de maintenir un niveau de capital suffisant pour absorber les impacts en cas de choc défavorable important, réduisant ainsi sa probabilité de défaut.

Pour les institutions membres d’un groupe financier, l’Autorité considère que la gestion du capital devrait être effectuée à plusieurs niveaux de l’organisation :

  • Au niveau du groupe financier, elle devrait tenir compte des flux financiers intragroupes, de la fongibilité du capitalDésigne le caractère interchangeable des actifs qui sont détenus. entre les différentes entités, du risque de contagionLe risque qu’un évènement, interne ou externe, nuise à une entité juridique ou à une partie d’un groupe et s’étende à d’autres entités juridiques ou parties du groupe. , du possible double emploi des fonds et des contraintes et limitations possibles lorsque le capital provient de l’étranger;

  • Au niveau des entités, la gestion du capital devrait permettre l’établissement de niveaux cibles internes de capital pour ces entités de façon autonome en fonction de leur nature, leur taille, leur environnement et des exigences règlementaires qui leur sont propres.

Que la gestion du capital soit appliquée au niveau du groupe financier ou au niveau d’une entité, le processus de planification doit avoir pour objectif d’établir une vision des besoins en capital actuels et futurs qui soit cohérente sur le plan interne. Enfin, la gestion du capital devrait être établie et soutenue par une stratégie organisationnelle adéquate incluant une gestion optimale des risques.

2. Gouvernance de la gestion du capital

L’Autorité s’attend à ce que la gestion du capital d’une institution financière soit supportée par une solide structure de gouvernance permettant de définir clairement les rôles et responsabilités des différents intervenants.

Il est de la responsabilité du conseil d’administrationGroupe de personnes élues ou nommées qui est ultimement responsable de la gouvernance et de la supervision d’une institution financière. de superviser la gestion du capital effectuée par la haute directionGroupe de personnes chargés de la gestion quotidienne d’une institution financière selon les stratégies et les politiques établies par le conseil d’administration. . Le conseil d’administration doit donc s’assurer de la mise en place de dispositifs nécessaires à l’atteinte des objectifs.

De son côté, la haute direction doit élaborer la structure organisationnelle, les stratégies, les plans, les objectifs opérationnels et les mesures de contrôle de l’institution financière, et en ce sens, démontrer au conseil d’administration que les stratégies, politiques et procédures établies sont adéquates.

En outre, il appartient au conseil d’administration et à la haute direction d’intégrer à la réflexion stratégique et au processus de détermination des objectifs les opportunités qui ont été identifiées par la mise en application du cadre de gestion du capital.

2.1 Rôles et responsabilités du conseil d’administration

En lien avec les attentes énoncées à la Ligne directrice sur la gouvernanceAUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS. Ligne directrice sur la gouvernance. donnée par l’Autorité, le conseil d’administration a l’ultime responsabilité d’une gestion saine et prudente du capital. Il devrait notamment :

  • S’assurer que l’institution établisse et maintienne un niveau de capital approprié eu égard aux exigences règlementaires, à son environnement, à son plan stratégique, à son profil de risque et à ses impératifs économiques;

  • Approuver les stratégies et politiques en lien avec la gestion du capital et examiner les procédures sous-jacentes. Ces dernières devraient notamment traiter du niveau cible interne de capital et de la disponibilité du capital dont l’institution a besoin pour mener ses activités présentes et projetées, ainsi que des stratégies envisagées pour rétablir le capital en situation de crise ou en cas de choc imprévu pouvant requérir des capitaux additionnels. De même, elles devraient faire l’objet d’examens périodiques;

  • Superviser la mise en œuvre du dispositif d’évaluation interne des risques et de la solvabilitéCe processus est souvent mentionné en tant que dispositif ORSA (Own Risk and Solvency Assessment) pour les assureurs et ICAAP (Internal Capital Adequacy Assessment Process) pour les institutions de dépôt. Les attentes de l’Autorité à l’égard de ces dispositifs sont présentées à la section 5., s’assurer que les stratégies, politiques et procédures s’y rattachant cadrent bien avec les activités de l’institution et veiller à ce que les contrôles internesL’ensemble des mécanismes de contrôle mis en place au sein de l’institution financière pour donner aux instances décisionnelles une assurance raisonnable que les objectifs d’efficacité et d’efficience des opérations, de protection des actifs, de fiabilité des informations et de conformité sont atteints. soient suffisants vis-à-vis ce dispositif;

  • Demeurer au fait des résultats émanant du programme de simulations de criseAUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS. Ligne directrice sur les simulations de crise., et plus spécifiquement, valider les mesures correctrices et stratégies envisagées dans les situations où le capital chuterait sous le niveau cible interne.

2.2 Rôles et responsabilités de la haute direction

Pour la gestion du capital, les rôles et les responsabilités qui incombent à la haute directionGroupe de personnes chargés de la gestion quotidienne d’une institution financière selon les stratégies et les politiques établies par le conseil d’administration. , ainsi qu’au chef de la gestion des risquesAUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS. Ligne directrice sur la gestion intégrée des risquesEnsemble de pratiques et de processus s’appuyant sur une culture de risques et favorisant l’utilisation de techniques permettant d’améliorer le processus décisionnel et le rendement grâce à une vision holistique de l’ensemble des risques de l’institution financière. . le cas échéant, consistent principalement à :

  • élaborer un cadre de gestion du capital adapté au profil de risque et au plan stratégique de l’institution;

  • mettre en œuvre, gérer et assurer le suivi du cadre de gestion du capital;

  • assurer la conception et la mise en place d’un dispositif d’évaluation interne des risques et de la solvabilité, incluant des contrôles internesL’ensemble des mécanismes de contrôle mis en place au sein de l’institution financière pour donner aux instances décisionnelles une assurance raisonnable que les objectifs d’efficacité et d’efficience des opérations, de protection des actifs, de fiabilité des informations et de conformité sont atteints. suffisants, renforçant ainsi le cadre plus général de la gestion intégrée des risques de l’institution;

  • établir des modalités de communication et de recours aux niveaux hiérarchiques supérieurs en réponse à des changements au niveau de l’environnement, du profil de risque de l’institution ou de tout autre élément susceptible d’affecter le niveau, la qualité ou la composition du capital.

3. Cadre de gestion du capital

L’Autorité s’attend à ce que l’institution mette en œuvre un cadre de gestion du capital aligné avec son profil de risque ainsi qu’une stratégie lui permettant de maintenir des niveaux adéquats de capital en tout temps et de les rétablir en situation de crise ou suite à un choc défavorable important.

Le cadre de gestion du capital est composé de stratégies, politiques et procédures permettant à une institution financière d’évaluer la qualité de son capital et de le maintenir à un niveau adéquat par rapport à son profil de risque.

Ce cadre devrait être efficace, permanent et évolutif. Il devrait être adapté au profil de risque de l’institution et s’inspirer fortement des constats émanant de processus d’évaluation interne des risques et de la solvabilité en considération des risques importants et des montants qui pourraient être éventuellement requis suite à leur matérialisation.

Tout en tenant compte de la nature, de la taille, de la complexité des activités et du profil de risque propre à chaque institution, le cadre de gestion du capital devrait notamment comprendre :

  • L’identification des rôles et responsabilités relativement à la mise en œuvre des stratégies et politiques relatives aux besoins en capital;

  • Des politiques fixant les niveaux de capital et énonçant les objectifs en matière d’adéquation du capital basées sur :

    • L’appétit pour le risque et les niveaux de tolérance aux risques;

    • Le profil de risque;

    • Les impératifs économiques;

    • Le plan stratégique.

  • Des mesures permettant l’identification et la prise en compte des risques importants pouvant nécessiter du capital;

  • Des procédures permettant d’évaluer le niveau d’adéquation global du capital en fonction de la prise de risques et du plan stratégique;

  • Des mécanismes de contrôle interneL’ensemble des mécanismes de contrôle mis en place au sein de l’institution financière pour donner aux instances décisionnelles une assurance raisonnable que les objectifs d’efficacité et d’efficience des opérations, de protection des actifs, de fiabilité des informations et de conformité sont atteints. , d’examen et de validation afin d’assurer la suffisance et l’adéquation appropriée du capital, en considérant les exigences règlementaires et les besoins de l’institution financière;

  • Des limites et restrictions quant à la qualité et la composition du capital;

  • Des stratégies à privilégier en matière de mobilisation du capital en fonction des circonstances;

  • Des mesures correctrices pouvant être prises par la haute directionGroupe de personnes chargés de la gestion quotidienne d’une institution financière selon les stratégies et les politiques établies par le conseil d’administration. en situation de crise ou à la suite d’un choc défavorable important;

  • La fréquence des processus d’approbation et de révision des décisions quant à l’ensemble des éléments visés par le cadre de gestion du capital.

4. Capital règlementaire, cible interne de capital et capital excédentaire

L’Autorité s’attend non seulement à ce que l’institution financière respecte les exigences de capital règlementaire, mais également le niveau cible interne de capital reflétant sa situation par rapport à un éventail de risques et de considérations stratégiques plus englobantes.

En vertu des lois que l’Autorité administre, les institutions financières sont tenues de maintenir un capital suffisant pour assurer une gestion saine et prudente à l’égard de leur gestion financièreLoi sur les assureurs, RLRQ, c. A-32.1, article 74. Loi sur les coopératives de services financiersPersonne morale regroupant des personnes ayant des besoins économiques communs et qui, en vue de les satisfaire, s’associent pour former une institution de dépôts et de services financiers. , RLRQ, c. C-67.3, articles 440.1 et ss. et 450 et ss. Loi sur les institutions de dépôts et la protection des dépôts, RLRQ, c. I-13.2.2, article 28.21 et ss. Loi sur les sociétés de fiducie et les sociétés d’épargne, RLRQ, c. S-29.02, article 46..

Les exigences minimales en matière de suffisance de capital règlementaire correspondantes à cette obligation sont établies par les différentes lignes directrices portant sur le capital données par l’AutoritéVoir note de bas de page 2.. Comme ces exigences reposent sur des hypothèses applicables à l’ensemble de l’industrie, elles ne peuvent refléter parfaitement le profil de risque propre à chaque institution.

Par conséquent, en plus des exigences de capital règlementaire, une institution financière devrait également maintenir des niveaux de capital additionnel afin de refléter son propre profil de risque et de disposer d’un montant de capital suffisant pour couvrir ses autres besoins. Ainsi, on distingue plusieurs niveaux de capital incrémentauxCorrespond aux différents niveaux de capital qu'une institution financière est tenue de maintenir pour assurer une gestion saine et prudente. On retrouve le capital réglementaire minimum, le niveau cible d'intervention, le niveau cible interne et le capital excédentaire. .

Capital règlementaire

Ce niveau fait référence aux différents niveaux établis par l’Autorité, soit le niveau minimum et, s’il y a lieu, le niveau cible établi aux fins de la surveillance, conformément à l’encadrement fourni en matière de suffisance du capital. À ces niveaux peut s’ajouter une exigence additionnelle pour refléter le caractère systémique d’une institution.

Cible interne de capitalPour les institutions de dépôts, on utilisera davantage la terminologie « capital économiqueCapital dont une institution financière a besoin pour gérer sa tolérance au risque et alimenter son plan d’affaires et qui est établi selon une évaluation économique de ses risques, les liens entre eux et les mesures d’atténuation des risques mises en place. ».

Ce niveau fait référence au montant de capital déterminé par l’institution dans le cadre de ses activités, en prenant notamment en considération son appétit pour le risque et les résultats des scénarios de simulation de crise. Il tient compte du risque relatif à la mise en place du plan stratégique de l’institution ainsi que de l’ensemble des risques auxquels celle-ci pourrait être confrontée dans le cadre de ses activités actuelles et projetées, comme le risque de réputationRisque engendré par une perception négative de la part des clients, des contreparties, des actionnaires, des investisseurs, des créanciers, des analystes de marchés et autres tiers ou autorités de réglementation, qui pourrait nuire à la capacité de l’institution financière dans la poursuite de ses activités. , le risque stratégique et le risque lié à l’accès au capital sur les marchés. Considérant que la cible interne de capital doit tenir compte d’un éventail plus large de risques, ce niveau devrait excéder celui du capital règlementaire.

Capital excédentaire

Ce niveau fait référence à l’excédent des capitaux disponibles sur la cible interne de capital telle qu’établie par l’institution. Il est habituellement maintenu dans une optique stratégique. Par exemple, du capital additionnel pourrait être maintenu pour effectuer des acquisitions, réaliser des projets, atteindre ou maintenir une cote de crédit ou plus simplement, absorber les variations annuelles dans les résultats financiers, afin d’éviter que le capital disponible ne tombe en deçà du niveau cible interne de capital.

5. Évaluation interne des risques et de la solvabilité

L’Autorité s’attend à ce que l’institution financière établisse son niveau cible interne de capital de façon prudente et prospective, en mettant en place un dispositif d’évaluation interne de ses risques et de sa solvabilité qui soit adapté à sa nature, sa taille et la complexité de ses activités.

Il appartient à chaque institution financière de mettre en place un dispositif lui permettant d’identifier tous ses risques importants, que ces derniers soient facilement quantifiables ou non, et de les évaluer en fonction de son capital. Le dispositif devrait également être en mesure de tenir compte des risques individuels jugés moins importants, mais qui pourraient le devenir lorsqu’ils sont combinés à d’autres.

Les dispositifs d’évaluation interne des risques et de la solvabilité constituent des processus itératifs visant à évaluer, de manière continue et prospective, les risques importants d’une institution financière et le capital nécessaire pour les supporter. Cette adéquation personnalisée des risques avec le capital constitue une pièce maîtresse et un processus incontournable de la gestion intégrée des risquesEnsemble de pratiques et de processus s’appuyant sur une culture de risques et favorisant l’utilisation de techniques permettant d’améliorer le processus décisionnel et le rendement grâce à une vision holistique de l’ensemble des risques de l’institution financière. de l’institution financière.

Concrètement, ce dispositif peut être vu comme un ensemble d’activités réalisées de façon conjointe, itérative et cohérente suivant un processus ayant comme point de départ l’appétit pour le risque. Il comprend toutes les étapes d’un processus normal de gestion des risques, partant de l’identification jusqu’au suivi, à travers le déploiement de la stratégie d’affaires et l’analyse du comportement de ces risques, particulièrement en fonction de scénarios extrêmes. Cette analyse doit inclure les dépendances ou interrelations qui amplifient certains risques et leurs conséquences potentielles. Pour chaque risque important ainsi identifié, l’assureur devrait être en mesure de consigner les hypothèses, les processus et les principaux facteurs à considérer en ce qui a trait aux éléments déclencheurs, à l’évaluation, à la quantification et aux facteurs d’atténuation en place. Selon les résultats de cette analyse, une remise en question de l’appétit pour certains risques pourrait être enclenchée, nous ramenant ainsi au point de départ du processus itératif.

En plus du lien étroit de ce dispositif avec la Ligne directrice sur la gestion intégrée des risquesAUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS. Ligne directrice sur la gestion intégrée des risques., certaines des attentes de l’Autorité énoncées aux lignes directrices concernant la gouvernanceAUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS. Ligne directrice sur la gouvernance., les simulations de criseAUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS. Ligne directrice sur les simulations de crise. et la suffisance du capitalVoir la note de bas de page 2., ainsi que les recommandations des normes de pratiques actuarielles régissant l’Examen dynamique de la suffisance du capital, sont également intimement liées avec celui-ci.

La valeur ajoutée de ce dispositif se situe donc au niveau de la prise en compte formelle et en continu des liens devant exister entre la position de solvabilité, la prise de risques et les objectifs stratégiques de l’institution, ainsi que des impacts qu’ils peuvent avoir les uns sur les autres. Compte tenu de sa nature prospective, ce dispositif devrait cadrer avec la planification stratégique et opérationnelle de l’institution et tenir compte de la détérioration potentielle de son capital sur ce même horizon.

L’Autorité s’attend à ce que l’application du dispositif d’évaluation interne des risques et de la solvabilité fasse l’objet d’un rapport formel et distinct au conseil d’administration au moins une fois l’an, ou plus fréquemment, si le profil de risque de l’institution financière devait changer de façon importante.

Ce rapport devrait refléter les activités consolidées de l’institution financière et contenir suffisamment d’informations pour permettre au conseil d’administration d’apprécier les résultats en fonction du profil de risque de l’institution et des facteurs pouvant menacer son capital et sa solvabilité. En particulier, le conseil d’administration devrait s’assurer que les résultats obtenus respectent les limites qu’il a fixées pour l’institution en lien avec l’appétit pour le risque et les niveaux de tolérance aux risques. Il devrait ainsi permettre d’apprécier la justesse du dispositif en lien avec la qualité et la composition du capital et de confirmer la cible interne de ce dernier.

L’Autorité considère donc qu’une institution capable d’intégrer de façon dynamique, cohérente et proactive son processus d’évaluation interne des risques en lien avec ses besoins en capital et l’ensemble des attentes émanant des lignes directrices en matière de gouvernance, de gestion intégrée des risques, de simulation de crise et de suffisance du capital, est en mesure d’établir un niveau cible interne de capital prudent et prospectif.

6. Mobilisation de capital additionnel

L’Autorité s’attend à ce que l’institution financière établisse une stratégie avisée, prudente et prospective en matière de mobilisation du capital qui tient compte des risques et des limitations susceptibles de l’empêcher d’accéder à du capital en situation de crise.

À partir de différents scénarios de crise, l’institution devrait être en mesure d’anticiper et d’établir une stratégie en matière de mobilisation de capital dans les situations où des risques sont susceptibles de le faire chuter en deçà du niveau cible interne de capital.

Ce processus est d’autant plus important que les institutions ne devraient en aucun cas présumer que le capital sera facilement accessible au moment où elles en auront besoin, mais considérer plutôt le fait qu’en certaines circonstances, l’accès au capital sur les marchés pourrait devenir plus difficile. Par conséquent, une institution devrait agir de façon prospective et mobiliser des capitaux additionnels en prévision de ces circonstances défavorables.

L’institution financière devrait également analyser les différentes caractéristiques relatives à ses actifs et passifs et leur impact potentiel sur sa solvabilité en tenant compte notamment de leur volatilitéMesure de l’amplitude des variations de prix d’un actif, habituellement définie par l’écart-type. et de leur évolution potentielle. Lorsqu’elle réduit ses risques ou obligations par le biais de transactions intragroupes, de la réassuranceOpération par laquelle un assureur transfère une partie des risques d’assurance souscrits en s’assurant à son tour auprès d’un ou de plusieurs autres assureurs, appelés réassureurs. ou de la titrisation, l’institution devrait tenir compte de l’ensemble des risques liés à ces transactions. Elle devrait s’assurer notamment, lorsqu’elles s’appliquent, de respecter les attentes énoncées à la Ligne directrice sur la gestion des risques liés à la réassuranceAUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS. Ligne directrice sur la gestion des risques liés à la réassurance. et à la Ligne directrice sur la gestion des risques liés à la titrisationAUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS. Ligne directrice sur la gestion des risques liés à la titrisation.. En lien avec le financement et la capitalisation, la Ligne directrice sur la gestion du risque de liquiditéAUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS. Ligne directrice sur la gestion du risque de liquidité. énonce également des attentes pouvant favoriser l’accès à du capital sans perturber les opérations courantes des institutions visées par son champ d’application.

De façon plus générale, l’institution financière devrait notamment :

  • accorder une importance particulière aux relations entretenues avec ses fournisseurs de capitaux, la qualité de ces relations pouvant être déterminante en période de crise;

  • identifier les principaux risques en matière de mobilisation du capital émanant de la structure de son bilan, de son fonctionnement interne, de son profil de risque et des conditions du marché;

  • si elle fait partie d’un groupe financierEst considéré comme « groupe financier » tout ensemble de personnes morales formé d’une société mère (institution financière ou holding) et de personnes morales qui lui sont affiliées. , prendre en considération les interdépendances relatives au capital entre les différentes entités du groupe et les impacts de ces liens sur sa capacité à mobiliser du capital additionnel.

7. Qualité et composition du capital

L’Autorité s’attend à ce qu’une institution financière porte une attention particulière à la qualité et à la composition de son capital.

La qualité du capital fait référence à sa capacité d‘absorber les pertes aussi bien dans le cours normal des activités de l’institution financière qu’en cas de crise ou de liquidation. Ce capital devrait donc être subordonné aux droits des assurés et déposants en cas de crise ou de liquidation de l’institution.

À cet effet, l’institution devrait notamment prendre en considération les caractéristiques propres à ses instruments de capitalisation et les risques inhérentsLe risque existant en l'absence de toute action ou mesure qui pourrait en réduire l'impact ou la probabilité de sa réalisation. à l’utilisation de tels instruments, tout en veillant à respecter les critères et limites de capitalisation prévus aux lignes directrices applicables en vertu des différentes lois sectorielles.

Ainsi, les lignes directrices de l’Autorité portant sur la suffisance du capital distinguent différentes catégories d’instruments de capitalisation. Le capital de la plus haute qualité comprend habituellement les instruments ayant la capacité d’absorber les pertes en toutes circonstances et disposant d’un niveau de subordination ultime aux droits des assurés et déposants.

Pour les instruments de capitalisation qui ne se qualifient pas dans la catégorie de la plus haute qualité, ceux-ci peuvent être segmentés en sous-catégories en fonction de leur nature et du respect des critères et des limites qui leur sont applicables. Contrairement aux instruments de la catégorie supérieure, les critères utilisés dans ces cas sont moins contraignants, d’où une qualité moindre en cas de crise ou de liquidation.

On retrouve également des instruments non éligibles pour les catégories prévues ou faisant l’objet de limites eu égard à leur reconnaissance pour les calculs de capital règlementaire. Pour les fins de la détermination de son capital excédentaireExcédent de capital disponible maintenu par une institution financière au-delà de son niveau cible interne. ou stratégique, l’institution pourrait considérer certains de ces instruments financiersContrat créant un actif ou un passif financier. . Dans ces circonstances, l’institution devrait cependant s’assurer d’identifier les principaux risques potentiellement liés à ces instruments et accompagner leur utilisation d’une divulgation adéquate à toutes les parties intéresséesToute personne ou organisme pouvant être affecté par une décision ou une activité d’une autre partie. .

Compte tenu de ces catégories et des critères qui leur sont associés, chaque institution pourrait s’assurer de diversifier ses instruments de fonds propres et établir des limites et ratios internes afin de voir au maintien de niveaux de capitaux adéquats dans les proportions désirées. Cette façon de faire contribue notamment au maintien de la confiance du public à l’égard de l’institution financière et facilite l’accès au capital dans le futur.